Faut-il renoncer aux open spaces ?

Une charge frontale à l’encontre de la réorganisation de nos espaces de travail en ‘open spaces’. La version digitale du magazine français Les Inrocks propose une lecture rapide du livre paru récemment « Comment (se) sauver (de) l’open-space ? » proposé par Elisabeth Pélegrin-Genel. Elle y met en évidence les incohérences qui nuisent à l’image des espaces de travail partagés. Un avis à entendre.

Comme le rappelle la rédaction des Inrocks, à l’échelle de la France, les ‘open spaces’ concernent désormais plus de la moitié des salariés.
« On en vante les mérites : l’open-space serait bon marché, permettrait une meilleure circulation de l’information, et faciliterait les déplacements. Mais, à qui profite réellement l’open-space ? C’est ce qu’a cherché à savoir Elisabeth Pélegrin-Genel avec son livre « Comment (se) sauver (de) l’open-space ? » (Ed. Parenthèses). Architecte et psychologue du travail, c’est avec cette double casquette, qu’elle s’est plongée dans une analyse de l’impact du bureau ouvert sur le bien-être et la productivité. Pour cela, Elisabeth Pélegrin-Genel a décidé de “prendre au pied de la lettre le discours sur les open-spaces, de ré-interroger les messages récurrents du management et de regarder, à chaque fois, la traduction spatiale proposée.” Le résultat ? Un modèle bourré d’ambiguïtés. »

L’auteur souligne encore: “Je n’entre jamais dans un open-space sans regarder comment me sauver. Cet espace de travail sans âme, résumé à un face à face étriqué avec un écran d’ordinateur, me dérange toujours. Faut-il vraiment que l’on travaille dans un cadre aussi froid et aussi pauvre ? L’open-space, c’est avant tout la rationalisation du moindre geste. Il vise à éviter les déplacements inutiles, tout en luttant contre le dilettantisme. Autrement dit, à “standardiser le plus possible le travail et ses outils”, résume-t-elle.

Une prison circulaire ?

La rédaction décrypte les comportements des utilisateurs : « Dans le bureau ouvert, les moindres détails de gestuelles, de comportements, de déplacements, ou de distractions sont visibles aux yeux de tous. Finalement, l’open-space c’est un peu la version contemporaine du panoptique de Jérémy Bentham – analysé par Michel Foucault – cette prison circulaire où le geôlier peut surveiller les détenus sans être vu. Dès lors, ces derniers savent qu’ils peuvent être observés à tout moment, ce qui influence leurs comportements. C’est ce qui se passe pour les employés assis à leur bureau. A la différence qu’ici, il suffit de lever les yeux de son ordinateur pour devenir, à son tour, surveillant. L’open-space créé alors la distraction, il s’y passe toujours quelque chose. »

« Coups de fils personnels, va-et-vient, ou entorses aux horaires… Qui n’a jamais eu le sentiment d’être épié de toute part ? Cette exposition de soi oblige à une attention constante, à se contraindre jusque dans les moindres détails, écrit la psychologue. La stratégie, alors, est de rentrer les épaules, arrondir le dos et ne croiser un regard sous aucun prétexte. Le corps émet des messages pour ne pas entrer en interaction. On se voit sans se voir, on se gêne plus qu’on ne s’apprécie, on évite de se parler.”

Elle relève aussi le paradoxe de l’isolement dans un espace ouvert, présenté comme une tentative de prévention de la fatigue et du stress : « Pour arriver à travailler efficacement, beaucoup n’hésitent pas à se fabriquer un espace personnel. Casques de chantiers ou boules quiès ou, tous les procédés sont bons pour s’isoler de cette scène de théâtre. Bien que le Code du travail n’impose pas une taille minimale d’espace de travail, celle-ci peut avoir un impact important. “Quand la densité est trop forte, la fatigue s’installe”, remarque Elisabeth Pélegrin-Genel. Et la productivité est mise à mal. A contrario, “La ruche bourdonnante rend chacun quasiment invisible et permet de retrouver une sphère d’intimité et d’échanger tranquillement avec ses voisins.”

Le management tient-il un double discours ?

L’analyse se poursuit en faisant référence à un modèle qui, selon nous, ne correspond plus à la majorité des projets de réaménagement de l’espace de travail. « L’open-space vise aussi à effacer les signes de statut et mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Seulement voilà, les managers ont tendance à se distinguer des autres par des bureaux fermés ou partiellement vitrés. Et “une nouvelle pyramide plus visible encore se met en place. C’est là que réside toute l’ambiguïté : ces dirigeants font l’apologie du bureau ouvert, tant que cela ne s’applique pas à eux. “Ils invoquent, avec candeur et bonne foi, les contraintes de leur métier, le besoin de concentration, de confidentialité”, insiste l’auteure. A la question: “peut-on se sentir harcelé par son environnement ?”, la majorité des responsables répondent que c’est “exagéré”. Pourtant, après avoir testé l’espace ouvert, ils changent d’avis. “Morale de l’histoire : si l’open-space peut rendre malade les cadres, il convient très bien pour leurs collaborateurs”, déplore Elisabeth Pélegrin-Genel.

Fun, fun, fun… ?

Difficile cependant d’aller contre le sens de la marche. L’exemple des GAFA dont toutes les entreprises veulent s’inspirer, ainsi que la prolifération des espaces de co-working confirment chaque jour un nouveau modèle de référence: « La firme multimillionnaire Google a bien cerné l’enjeu. Elle offre à ses employés une atmosphère fun et décontractée avec une cafétéria aux mets élaborés, une piscine, des hamacs, et des salles de jeux. Revers de la médaille : “A côté de l’aspect festif, une loyauté sans faille et des horaires de travail interminables sont exigés”, pointe Elisabeth Pélegrin-Genel.

Aujourd’hui, que ce soit à New York, Londres ou Paris, les espaces de co-working fleurissent un peu partout. On y travaille différemment. Entrepreneurs, artistes, architectes… ils sont nombreux à se rendre dans ces bureaux partagés afin d’échanger des idées, et de créer leur propre réseau. Finalement, “Tout ce que le management peine à mettre en place dans les open-spaces se produit de façon spontanée et informelle”, souligne l’auteure. Et de plus en plus d’entreprises encouragent leurs salariés à faire du télétravail.

“Ce qui change aujourd’hui, c’est qu’on a sous la main des outils de communication de plus en plus performants qui nous libèrent du lieu. Cela ne signifie en aucun cas que celui-ci n’a plus d’importance, bien au contraire. Simplement, ces outils permettent de ne plus être autant assujetti à une place”, conclut la psychologue. Le bureau de demain doit encore être inventé, donc. Les paris sont lancés. »

Comment (se) sauver (de) l’open space ? Décrypter nos espaces des travail, de Elisabeth Pélegrin-Genel, Ed. Parenthèses, 160 pages.

Source : Les Inrocks

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