L’épanouissement au travail passera par le retour au réel et l’attention aux autres.

Un ouvrage ‘La révolte des premiers de la classe’ nous offre l’occasion de nous reposer les questions centrales sur ce que l’on appelle les ‘bullshit jobs’ (métiers à la con, dans le texte) que les nouveaux travailleurs sont bien obligés d’accepter et qui provoquent la montée du désengagement sur le lieu de travail. L’auteur de cette enquête, Jean-Laurent Cassely, esquisse la manière dont les jeunes diplômés repensent l’épanouissement au travail.

La synthèse publiée par Les Inrocks permet de comprendre rapidement les contours de cette (r)évolution. « Jean-Laurent Cassely dresse le constat d’un changement en cours du rapport au travail. Contre les métiers à la con, qui minent leurs vies, les nouveaux travailleurs aspirent à des métiers concrets, auxquels ils confèrent du sens. Avec son concept, éclairant pour beaucoup, de “métier à la con“, (“bullshit job“) désignant un ensemble de tâches professionnelles sans utilité sociale et sans satisfaction personnelle, l’économiste libertaire David Graeber a posé en 2013, de manière intuitive, un constat édifiant sur le monde du travail du 21ème siècle. Services financiers, télémarketing, ressources humaines, relations publiques…, l’économie tertiaire est pleine de ces métiers à la con qui ne cessent de croître. »

Une révolte contre l’abstraction.

Elle identifie comment les jeunes diplômés répondent à cette multiplication de jobs qu’ils associent à de pures arnaques. « Aux codes usés et usants de cette société salariale, où règne la règle de l’abstraction, les nouvelles générations de jeunes diplômés, lucides, s’opposent ainsi de plus en plus, en exprimant leur souci d’échapper à cette loi d’airain de l’entreprise capitaliste qui sacrifie toute quête de sens individuelle sur l’autel de sa pure rentabilité. Une révolte contre ce à quoi ils ont été formés, une révolte contre la fausse promesse que le système éducatif leur fait : une tromperie sur la marchandise, comme on le dit dans le langage commercial. »

« La promesse ne tient plus depuis que ses effets se sont brouillés dans un magma de désillusions amères, sur lesquelles de multiples mots sont posés comme l’indice d’un épuisement généralisé : le “burn-out“, le “bore-out“, le “job-strain“, c’est-à-dire l’explosion personnelle pour cause de surcharge, l’implosion pour cause d’ennui, le poids de la pression permanente. Ce qui réunit toute cette cohorte de salariés amers, c’est la perte de sens du travail lui-même. Jean-Laurent Cassely s’interroge sur ce phénomène massif : pourquoi et comment une avant-garde encore naissante est “en passe de transformer en profondeur le rapport au travail, aux études et à la hiérarchie sociale“. »

Réécrire l’épanouissement au travail.

Selon le journaliste, « cette transformation en cours a des airs un peu convenus » puisqu’elle est souvent associée à un mode de vie type hipster (ouvrir un restaurant, un foodtruck, un café, une cave à vin, un bar à bières, une fromagerie ; se former à la pâtisserie, à la menuiserie, à l’œnologie, à la torréfaction ; se lancer dans le petit commerce de proximité, le plus souvent en ville…) mais il pourrait s’agit d’un mouvement puissant : « les révoltés des premiers de la classe forment au fond le symptôme d’une conception inédite du travail, d’une transformation en profondeur de ses attentes, d’un nouveau rapport à la réalisation de soi, par et dans le travail. Tous amorcent “une réécriture des codes de la réussite sociale, du bien-vivre et de l’épanouissement au travail“. 

Le bonheur est dans le concret.

Au coeur de cette transformation : le recours au travail manuel, l’attention aux autres et au réel. L’auteur remarque justement : “On voit depuis des années déferler une vague de jeunes urbains diplômés qui quittent leur emploi pour satisfaire une envie de faire, de réaliser quelque chose de concret plutôt que de gaspiller leur temps dans un emploi de cadre ou profession intellectuelle supérieure“. 

Il précise encore que cette nouvelle élite propose un élan simple, défini comme suit : “la proximité avec la matière et le monde physique, et l’ancrage dans un territoire limité“. Jean-Laurent Cassely fait écho au travail décisif d’un autre penseur américain iconoclaste: Matthew Crawford, qui insiste sur la nécessité de retrouver le sens de l’utilité sociale, par le recours au travail manuel, à l’attention aux autres et au réel.

Désormais, “le bonheur est dans le concret“. « Déserteurs des “open-spaces“ devenus irrespirables, les jeunes diplômés reprennent la main sur les étapes de la chaine de production, dans une logique d’anti-division du travail et d’anti-productivité. Ils veulent s’investir dans la tuyauterie qui fait fonctionner le monde.  Les révoltés s’émancipent à ciel ouvert pour quitter les cages dorées des bureaux traditionnels. »

Peut-on déjà parler d’un tournant radical? Les Inrocks tempèrent cette belle énergie. « Certes, il est encore trop tôt pour être absolument certain d’un tournant radical dans le rapport de la jeunesse au monde du travail. On en comprend mieux aujourd’hui les aspirations d’un point de vue culturel. “Ne pas perdre sa vie à la gagner“ : le slogan de leurs parents et grands-parents soixante-huitards est réactivé par ces nouveaux travailleurs en quête de sens. »

Source : lesinrocks.com – Jean-Marie Durand

Référence : La Révolte des Premiers de la Classe, Jean-Laurent Cassely, éditions Arkhê, mai 2017
http://www.arkhe-editions.com/portfolio/cassely-revolte-premier-classe/

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