Pourquoi les start-ups optent-elles pour la transparence salariale totale?

Eviter toute forme de débat quant à l’équité? Anticiper la pression inhérente aux questions d’égalité des genres? Briser le tabou du secret mythique entretenu autour des salaires? L’approche est plus pragmatique encore. L’entreprise britannique Buffer, à l’origine d’une application logicielle pour la gestion des réseaux sociaux avait peur de se faire “voler” ses salariés par des concurrents qui offriraient un salaire plus élevé. Pourtant, depuis 2013, trois ans après ses débuts, elle communique publiquement sur son site les données salariées de ses 80 employés.

“Finalement, cela n’a rien changé vis-à-vis de nos concurrents. La conséquence la plus flagrante a été l’augmentation des candidatures ! Elles ont doublé en un mois”, affirme Hailley Griffis, en charge de la communication chez Buffer, qui a établi une formule qui calcule les salaires selon le poste occupé et le coût de la vie dans laquelle le salarié habite. Une aide est aussi allouée à ceux qui subviennent aux besoins d’un membre de leur famille, comme un enfant ou leur conjoint.

Plus audacieuse encore, la startup française Imfusio, créée en 2005 sur le principe de transparence salariale, a décidé d’aller plus loin en instaurant les “salaires libres”. “Tout le monde était au courant des salaires mais il y avait des tensions autour de petites différences de rémunération sans que personne n’ose en parler”, raconte son cofondateur, Yaël Guillon. En 2016, il instaure donc une réunion tous les quatre mois, où les douze salariés se réunissent pour parler de leur salaire et peuvent l’augmenter ou le réduire, de manière collégiale. Pas besoin d’une validation du patron, mais chacun a un droit de véto.

“Cette nouvelle méthode est perturbante. Vous devez vous demander de quoi vous avez besoin pour vivre, et expérimenter ce choix pendant quatre mois. Par exemple, lorsque j’ai décidé de baisser mon salaire de 500 euros et que je n’ai pas vu d’incidence sur ma vie quotidienne, je me suis demandé si j’en avais vraiment besoin”, raconte Yaël Guillon.

Chez Imfusio, les salaires vont de 2.700 à 5.000 euros nets mensuels. Ils fluctuent aussi suivant les résultats de l’entreprise. Ainsi, lorsque l’entreprise a eu des problèmes de trésorerie, tout le monde a baissé son salaire à moins de 3.000 euros nets, avant de s’augmenter lorsque le chiffre d’affaires a redécollé. Selon Yaël Guillon, cette transparence a fait exploser l’engagement des salariés.

L’importance de la dimension culturelle.

Une transparence totale qui, de l’aveu du cofondateur, n’a pas été simple à instaurer. Cela a pris un an et demi. “En France, on nous a appris à ne pas parler d’argent. C’est un héritage de notre culture judéo-chrétienne”, analyse l’entrepreneur.

Une spécificité nationale observée par Corinne Hirsch, dirigeante du cabinet de conseil pour l’égalité hommes/femmes Aequiso et ex-directrice de la région Asie-Pacifique pour Yoplait. “En Chine, la valorisation des signes de richesse est très importante. Dans les pays anglo-saxons, de culture protestante, on parle naturellement de son niveau de vie. Mais en France, personne ne parle de chiffres entre amis ou au bureau. On valorisera plutôt le pouvoir ou la force de négociation”. Selon elle, la transparence salariale ne viendra pas de la volonté des entreprises mais d’obligations gouvernementales.

En attendant, des initiatives pro-transparence émergent sur les réseaux sociaux, notamment dans le secteur de la tech. Ex-salarié de Buffer, Rodolphe Dutel, fondateur de remotive.io, une plateforme pour les télétravailleurs, a créé et diffusé en juillet dernier un fichier partagé pour que les startuppeurs et salariés de la tech communiquent anonymement leur salaire. Le document compte à ce jour plus de 700 contributeurs. Une initiative qui a fait des émules : des experts de la tech à Toulouse, Lille ou encore Montpellier ont partagé à l’automne dernier le même type de fichier. Pour Rodolphe Dutel, “c’est sain de parler salaire et de pouvoir se benchmarker. On ne peut pas négocier sans avoir d’information !”.

Source : Les Echos

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