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Jo De Cock (INAMI)
« N’ayez
pas peur du contrat d’administration! »

Le secteur public en a bel et bien fini avec les complexes à l’égard de la gestion de l’humain telle qu’elle se pratique dans le privé. Les politiques développées dans l’administration se révèlent adaptées et de plus en plus en ligne avec les standards de la GRH moderne. L’INAMI représente un exemple parmi d’autres administrations qui, ces dernières années, ont beaucoup investi en matière de modernisation de leur gestion RH.


La dimension RH figure au premier rang des projets internes à mener dans le cadre du plan stratégique pour la période 2010-2015. « Une des particularités des organisations du secteur public, c’est de n’avoir rien à vendre, cadre Jo De Cock, administrateur général de l’INAMI, l’institut national d’assurance maladie-invalidité. Nos missions consistent à rendre des services, et ces services sont rendus par des personnes. Notre matière première, c’est donc l’humain. » Les chiffres fournis par le Rapport annuel en attestent: les frais de personnel représentent 77% des dépenses d’administration de l’institution. « Il est donc logique que nous nous investissions, et au plus au niveau, dans la gestion de notre capital humain. »
Avec un effectif de quelque 1.340 collaborateurs, l’INAMI est chargé de la gestion dans deux secteurs clés de la sécurité sociale: l’accès aux soins de santé et l’indemnisation dans le cadre de l’assurance maladie-invalidité, soit au total un budget de près de 30 milliards d’euros! En tant que plaque tournante de la concertation dans ce secteur, l’institut se caractérise par une population particulièrement multidisciplinaire. On y trouve des médecins, des pharmaciens, des experts scientifiques, etc. Soit une proportion de personnel de niveau A bien supérieure à la moyenne de l’administration.

Réussir la relève
Aujourd’hui, la gestion des ressources humaines telle qu’elle est menée au sein de l’INAMI n’a pas grand-chose à envier au privé. Le responsable RH siège au comité de direction afin de garantir une action concertée. L’organisation RH est positionnée depuis cinq ans déjà comme “partenaire du business”, avec des correspondants RH au sein des services. Un marché interne a été développé pour stimuler la mobilité au sein de l’organisation, ce qui représente aussi une manière d’assurer une certaine flexibilité. Le télétravail a été institué, à titre de projet pilote dans un premier temps, pour ensuite s’étendre à tous les services pour autant que la fonction le permette. Voici deux ans naissait l’action “happy at work” pour favoriser le bien-être au travail et soutenir la convivialité au sein de l’organisation. Elle s’est fondée sur une enquête de satisfaction dont la deuxième édition a été menée il y a peu. Une politique “diversité” a aussi été lancée. Et l’on pourrait multiplier les exemples...
De sérieux défis ne restent pas moins à relever, à commencer par celui du renouvellement d’un cadre de personnel vieillissant. Au cours des dix prochaines années, 25% de l’effectif aura 65 ans et partira à la retraite. Pour certaines catégories de personnel, la situation apparaît plus critique encore. “Sur nos 140 médecins, la moitié nous quittera dans les cinq ans, alors que le marché des experts médicaux n’est pas très dense, illuste Jo De Cock. Un procédure de sélection récente a confirmé la difficulté de les attirer. Malgré un nombre initial de quelque 180 candidats, seules dix des quinze fonctions vacantes ont pu être remplies. Nous souhaitons entre autres investir dans un ‘forecast planning’ pluriannuel au niveau de l’évolution et des besoins en personnel, ainsi que dans le transfert de connaissances.”
L’INAMI doit également augmenter son attractivité sur le marché du travail, entre autres vis-à-vis de jeunes travailleurs. “Une autre façon d’aborder la question consiste à repenser nos fonctions pour les rendre plus attractives. Reprenons l’exemple des médecins. Est-ce que chaque élément de leurs fonctions actuelles au sein de l’INAMI doit vraiment être exercé par un médecin? Pas forcément. Faut-il encore trois médecins pour garantir l’impartialité de nos commissions? C’est à analyser. Nous avons par ailleurs mis en place des exit interviews pour bien évaluer pourquoi certaines personnes nous quittent. Très peu partent parce qu’elles sont insatisfaites du travail. Mais la concurrence est rude sur le marché de l’emploi, y compris au sein du secteur public lui-même.”

Fibre RH
Ce mois-ci, l’INAMI va lancer un nouveau trajet centré sur le développement des talents et du leadership, dans le cadre notamment d’une politique de fidélisation de son personnel. “Il existe des programmes de formation au sein de l’administration fédérale et ils sont appréciés, mais il nous faut aller plus loin et investir dans le développement de notre middle management, en particulier dans ce contexte de passage de relais vers une nouvelle génération. Cette approche va de pair avec le développement du travail par projet tel qu’il se met en place depuis plusieurs années.”
On l’aura compris. Jo De Cock fait partie de ces hauts dirigeants de l’administration fédérale exprimant une fibre RH très marquée. En tant que président du collège des IPSS – à savoir les parastataux –, il a notamment lancé une action commune d’audit approfondi des politiques RH au sein de ces différentes institutions. Objectif: identifier comment développer un soutien mutuel, créer des synergies pour rendre le travail plus efficace et remiser définitivement l’administration du personnel au profit d’une GRH professionnelle et moderne. Le rapport sera rendu début octobre.
Depuis quelques mois, cette fibre RH s’exprime également par son implication dans le réseau HR Excellence in Public Sector. Lancé en décembre dernier à l’initiative du Selor et de mRH, éditeur de HR/RH Tribune, avec le soutien de Securex, HR Access, Microsoft et BNP Paribas Fortis, ce think-tank de haut niveau travaille actuellement sur trois chantiers: l’élaboration d’un mode d’emploi pour le contrat d’administration, la mise en place d’un réservoir transversal de gestion des talents et le partage d’indicateurs de performance avec l’autorité.
“Ce type de plate-forme offre une plus-value énorme pour réfléchir ensemble, se situer et se positionner, souligne-t-il. Il est essentiel de ne pas réinventer cent fois la roue et d’élargir son champ de vision en observant ce qui se passe dans d’autres organisations, afin de s’inspirer ou d’inspirer les autres tout en respectant les spécificités de chacun.” Aujourd’hui, le contrat d’administration suscite l’enthousiasme chez les uns, la crainte chez d’autres. En la matière, l’INAMI dispose déjà d’une expérience de dix ans: elle vient ainsi d’entrer dans son troisième contrat d’administration, portant sur la période 2010-2012.

Outil de mobilisation
“Le contrat d’administration est porteur d’une dynamique forte au sein de l’organisation, témoigne Jo De Cock. Ne le voyons pas comme un contrat lourd et pesant où tout doit se négocier comme on négocie un accord de gouvernement! Il s’agit en réalité d’un outil qui va permettre à l’organisation de proposer des projets concrets, en écoutant au préalable ce qui se passe dans la société ainsi que dans ses services, puis de fixer des priorités. C’est donc un vrai levier, un outil de mobilisation, un instrument de communication, une méthode de suivi des processus importants, un dispositif d’évaluation interne de l’organisation.”
Comment comprendre que certains le perçoivent comme une menace? “Il est assurément bien moins menaçant que le plan de management individuel, où c’est le renouvellement du mandat qui est en jeu! Une autre grande différence tient dans l’aspect collectif: un contrat d’administration se construit ensemble. Il ne se conçoit pas top-down, mais sur base des propositions des services dans le cadre d’une vision stratégique. La crainte que l’outil suscite, c’est celle de s’engager dans un contexte budgétaire où les moyens peuvent être revus de façon imprévisible. Mais il n’existe guère d’alternative à réfléchir de plus en plus sur base pluriannuelle. Il faut penser en termes de trajets plus qu’en termes d’exercices budgétaires, car ces derniers empêchent les services publics de travailler avec la constance et la stabilité requises. Le pilotage et la planification de nos activités constituent aujourd’hui un principe majeur de notre mode de fonctionnement.”
En corollaire se pose également la question de l’évaluation. “Il ne s’agit pas de sanction, mais de mesure de ce qu’on a pu réaliser et d’analyse des raisons pour lesquelles on n’a pas pu réaliser certaines choses”, commente Jo De Cock, persuadé de la valeur des indicateurs. “On ne peut gérer correctement un département sans indicateurs. Ce sont des clignotants, une base de comparaison. Cessons de les considérer comme un jugement! Ils doivent au contraire vous permettre de développer votre connaissance de votre propre organisation, d’assurer une certaine comparabilité, de parler le même langage et de mener des actions plus ciblées. Le benchmarking n’a pas pour but de mettre tout le monde sur le même pied. Il vise à garantir qu’il n’y ait pas de distorsions ou de variabilités qui restent inexpliquées.” La participation active de l’INAMI au réseau “Fed 20” de partage des indicateurs de performance HR entre services publics fédéraux témoigne de cette volonté de benchlearning.

Etre créatif
Quelles sont les principales leçons tirées de dix ans de contrat d’administration à l’INAMI? Jo De Cock insiste sur la valeur d’une bonne préparation et d’un suivi rigoureux. “Il convient par ailleurs de gagner l’engagement du top management et du middle management dans ce projet qui doit devenir leur projet. Autre point d’attention: être créatif. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. Il faut offrir cet espace et permettre les échanges de points de vue, car c’est extrêmement enrichissant. L’erreur que nous avons commise au début, c’est de ne pas avoir intégré les aspects internes tels que l’IT, la GRH, etc. Aujourd’hui, ils font partie du contrat.”
Et les résultats sont très positifs. “Le contrat d’administration est, par exemple, porteur en matière d’engagement. Nous l’avons présenté à l’ensemble de nos 1.340 collaborateurs. C’est un guide fort utile à tous qui leur permet de comprendre ce que fait l’organisation dans son ensemble car, souvent, on n’a de vue que dans le périmètre de sa fonction ou de son service. Il stimule les gens à se mobiliser pour atteindre ce pour quoi ils se sont engagés. L’enjeu est bien sûr de le faire vivre et à chaque niveau de l’organisation. Chaque semestre, nous avons une longue discussion au sein du comité de direction, sur base de rapports intermédiaires mettant le doigt sur les points où des actions doivent être menées.”
Sur la mise en place d’un réservoir transversal de gestion des talents dans l’administration, Jo De Cock se montre à la fois enthousiaste et prudent. « Dynamiser la mobilité est porteur de valeur ajoutée, c’est indéniable. La vertu en est d’ailleurs largement prônée au sein de l’INAMI. Mais il faut créer un cadre clair, et donc partir sur des bases saines. La difficulté des services horizontaux à stimuler la mobilité consiste à tisser des liens avec le business. Il serait bon de partir de projets concrets de telle sorte que la mobilité ait une valeur ajoutée pour le client et pour les organisations concernées, et pas seulement pour le collaborateur. Pourquoi, par exemple, ne pas rassembler des médecins du S.P.F. Sécurité sociale, des services qui gèrent les accidents du travail et les maladies professionnelles, et de l’INAMI pour éviter aux personnes souffrant d’un handicap de subir des examens dans une organisation puis dans une autre? Cela aurait pour avantage de faire en sorte que mobilité se mette au service d’un projet, alors qu’elle se vit encore aujourd’hui dans la perspective de s’enfuir de son organisation pour trouver une place jugée meilleure.”

 

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